Vous êtes à l'hôpital, et vous êtes sur le point de vous faire opérer. Une infirmière a roulé votre lit depuis votre chambre jusqu'à la salle d'opération, traversant un labyrinthe de coulours froids aux murs décrépits dans un grincement de roues lancinant. Puis elle s'est retirée, vous laissant seul.

On vous a informé que l'opération était potentiellement risquée, mais vous avez opté pour le forfait économique car votre budget est serré cette année. Dans cet hôpital anonyme, comme il en existe tant, c'est donc un chirurgien débutant qui s'occupera de vous, éventuellement secondé d'un interne en formation. Son parcours est sans doute un peu atypique - il a fait des études de sociologie et non de médecine -, mais il présente bien et affirme avoir déjà participé à une opération mineure qui n'a pas eu trop d'effets secondaires. Il fera parfaitement l'affaire. Au pire, votre budget de l'année prochaine vous permettra d'acheter de quoi réparer les éventuelles séquelles.

Seul dans la pièce, vous observez autour de vous. La salle date un peu : il manque une ampoule au plafonnier articulé, de l'humidité suinte un peu aux coins du plafond, et vous apprécieriez quelques degrés supplémentaires. Cela ne vous rassure pas, mais il n'y a rien d'alarmant non plus. Vous essayez de ne plus y penser, en attendant le chirurgien.

Un bruit de porte battante : le voilà enfin.
Il fait un pas en direction du lavabo où trônent différents bactéricides, mais consulte l'imposante horloge murale et se ravise - pas le temps, son planning est trop serré. Après avoir jeté un oeil à votre fiche d'opération - il la découvre à l'instant, n'ayant pas été invité aux entretiens préparatoires -, il positionne le masque d'anesthésie sur votre visage et ouvre les valves de la bouteille de sevoflurane. Vos paupières semblent lourdes, vos pensées s'embrument, vous commencez à vous endormir...
Votre dernière vision est celle du chirurgien brandissant de manière incertaine au-dessus de votre abdomen... un couteau à beurre ébréché.

Toute ressemblance...